
De l’air ambiant émane une odeur de résine. A l’intérieur du chantier, telles les pièces d’un grand puzzle, les panneaux blonds d’épicéa sont assemblés par des ouvriers. « On arrive à construire un étage en l’espace d’une semaine, alors qu’avant, avec le béton, il fallait compter un mois ! » , s’exclame Julien Pemezec, président du directoire de Woodeum, promoteur immobilier spécialisé dans le bois.
Casque sur la tête, l’entrepreneur est venu jeter un œil sur les travaux de cet immeuble en banlieue parisienne. « On peut sans conteste parler d’un vrai boom », dit dans un sourire ce centralien qui, dès 2014, a troqué sa carrière toute tracée chez Bouygues pour rejoindre ce pionnier de la construction bas carbone. « Les gens ont besoin de renouer avec la nature. Ils prennent de plus en plus conscience de l’impact écologique de leur habitat, qui, aujourd’hui, représente un tiers des émissions de gaz à effet de serre. »
INFOGRAPHIE LE MONDE
Détrôné par l’acier, puis par le béton aux XIXe et XXe siècles, le bois, matériau écologique par excellence, revient en force au XXIe siècle. Un retour qui, pour la France, devrait a priori s’apparenter à une aubaine. Avec la quatrième superficie de forêts en Europe, et une grande variété d’essences − 136 environ contre vingt en Allemagne − l’Hexagone devrait pouvoir compter sur une filière florissante. Ce n’est pas le cas. Le secteur exporte encore trop son bois brut pour importer des produits transformés, des meubles aux charpentes et à la pâte à papier. Résultat, un déficit commercial abyssal qui atteint désormais 7 milliards d’euros.
D’innombrables rapports ont été écrits sur ce déséquilibre en lien avec « l’insuffisante intégration entre l’amont et l’aval, l’offre et la demande de bois », selon la dernière étude de la Cour de comptes datant de mai 2020. En témoignent les difficultés récurrentes de l’Office national des forêts, étranglé par sa dette et le malaise social.
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En amont, en effet, la forêt hexagonale est encore peu « mobilisée ». Car détenue aux trois quarts par une myriade de propriétaires privés. Des héritiers, pour la plupart, qui vivent souvent loin de leurs futaies et n’ont pas forcément l’envie de les exploiter. Sans compter que ceux qui s’y adonnent ne parviennent pas toujours à écouler leurs merisiers, leurs frênes ou leurs hêtres, faute des scieries adaptées.
Alors qu’elles parsemaient les campagnes − elles étaient plus de 15 000 en 1964 − nombre de ces petites structures n’ont pas tenu le choc face à l’arrivée des meubles en Formica et du béton. « Les scieries de feuillus n’étaient pas assez compétitives, et les banques ne s’y sont pas intéressées », regrette Jean-Marie Ballu, ingénieur qui a fait toute sa carrière dans ce secteur. A l’instar des exploitations agricoles, elles se sont concentrées au point de n’être plus, aujourd’hui, que 1 250. Les plus résistantes ont souvent adopté la mode du résineux, plus économique.
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