
Après des mois d’impassibilité, les marchés financiers commencent à prendre au sérieux la détermination de la Réserve fédérale (Fed, banque centrale des Etats-Unis), à lutter contre l’inflation. Les taux d’intérêt se sont brutalement envolés, vendredi 25 mars, le rendement des emprunts d’Etat américain à dix ans bondissant, lui, lundi 28 mars dans la matinée, à 2,55 %. Ce taux, qui était tombé, en juillet 2020, en pleine pandémie de Covid-19, à un plus bas de 0,5 %, n’était encore que de 1,72 %, début mars.
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L’Amérique sort de plusieurs années d’argent gratuit, et les investisseurs exigent désormais une rémunération au plus haut depuis trois ans, en raison de l’inflation, qui va rogner leur capital. Ces taux sont pourtant dérisoires, très inférieurs à l’inflation annuelle (7,9 % en février). Une explication tient à la guerre en Ukraine, qui a retardé la hausse des taux de marché : en période de panique, privilégiant la sécurité au rendement, les investisseurs se sont rués sur le billet vert et les actifs américains, même s’ils étaient moins rémunérateurs. Ils ont ensuite pensé que le président de la Fed, Jerome Powell, hésiterait à serrer le robinet monétaire pour ne pas ajouter des incertitudes à la guerre. Le contraire s’est passé : la banque centrale estime que l’invasion russe va pérenniser l’inflation, en raison du choc sur l’énergie et les produits agricoles qu’elle provoque. Il faut y ajouter les fermetures partielles de l’économie chinoise pour cause de Covid-19.
Un choix très politique
Ces chocs externes renforcent les goulets d’étranglement qui pénalisent la reprise de l’économie et alimentent l’inflation, nourrie par des années de politiques budgétaire et monétaire ultra-accommodantes et par la pénurie de main-d’œuvre. Résultat, les opérateurs estiment que la Fed, qui qualifiait, jusqu’en décembre 2021, l’inflation de « provisoire », va s’attaquer à la hausse des prix en augmentant ses taux, au rythme d’un demi-point par réunion, au lieu de 0,25 % envisagé initialement.
A ce rythme, ses taux directeurs, qui déterminent le loyer de l’argent à court terme, pourraient passer de 0,25 % aujourd’hui à 2,75 %, fin 2023. Les taux longs, qui servent à financer les entreprises, devraient suivre ce mouvement, d’autant que la Fed devrait cesser d’acheter les bons du Trésor américain, qui lui permettent, depuis des années, de maintenir à un niveau bas les taux à long terme.
La Fed prendra-t-elle la décision de devenir « faucon », c’est-à-dire restrictive, après avoir été « colombe », c’est-à-dire accommodante, pendant des années ?
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