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(BFM Bourse) – Contraint de liquider plus de 20 milliards de dollars de positions après n’avoir pu répondre à des appels de marge, le fonds Archegos provoque des remous sur les marchés mondiaux ce lundi. Crédit Suisse et Nomura évoquent notamment des « pertes importantes ».

Un seul « hedge fund » fait défaut sur des appels de marge et c’est tout l’écosystème financier qui tangue, pourrait-on dire pour revisiter le poète français Alphonse de Lamartine, à la lumière de la panique provoquée par Archegos Capital ce lundi sur les marchés. Selon le Financial Times qui cite des sources au fait du dossier, ce « family office » a été mis sous pression par le plongeon du conglomérat de médias ViacomCBS -dont il détenait beaucoup d’actions- à Wall Street à partir de mardi et mercredi dernier (-50,3% sur la semaine).

Cette lourde chute a conduit l’un des courtiers d’Archegos à demander des fonds supplémentaires à ce dernier pour couvrir la dépréciation de cet investissement, déclenchant des demandes similaires de liquidités de la part d’autres banques selon des sources informées. Le fonds n’ayant pu y répondre, celles-ci ont alors procédé à une liquidation forcée de plus de 20 milliards de dollars de positions, une vente très inhabituelle par son ampleur.

Ventes massives d’actions Baidu, Tencent et Discovery

« Le fonds avait des postions à levier sur des valeurs très concentrées sur certains noms. (…) Les problèmes ont commencé il y a quelques semaines quand certaines d’entre elles, notamment Tencent, se sont retournés à la baisse » soulignent les courtiers d’Aurel BGC.

Citant des personnes ayant connaissance des transactions, un article de Bloomberg rapporte que Morgan Stanley aurait ainsi traité pour environ 13 milliards de dollars d’actions (principalement Farfetch, Discovery, Baidu et GSX Techedu), tandis que Goldman Sachs aurait vendu pour 6,6 milliards de dollars d’actions de Baidu, Tencent Music Entertainment Group et Vipshop Holdings avant l’ouverture du marché aux États-Unis. Ces opérations auraient par ailleurs été suivies par la vente de 3,9 milliards de dollars de titres ViacomCBS et iQiyi, selon des informations obtenues par Bloomberg, portant le montant des ventes à près de 24 milliards de dollars.

Ces opérations ont participé au fort repli des actions concernées. Les sociétés ViacomCBS et Discovery ont ainsi plongé d’environ 27% vendredi tandis que les entreprises chinoises Baidu et Tencent ont perdu jusqu’à 15% et 21% en séance avant de se reprendre et de terminer près de l’équilibre.

Crédit Suisse et Nomura évoquent des « pertes importantes »

Sans mentionner Archegos, la banque suisse a prévenu lundi qu’il était en train de déboucler certaines positions après qu’un fonds a manqué à répondre à ses appels de marge. « Bien qu’il soit pour l’instant prématuré de quantifier l’ampleur exacte de la perte résultant de cette sortie, elle pourrait être très importante et significative pour nos résultats du premier trimestre » a averti Crédit Suisse, dont le titre coté à Zurich s’effondre de 13,5% vers 12h20. Autre banque affectée, la japonaise Nomura, qui a dévisse de 16,3% à Tokyo après avoir déclaré dans un communiqué qu’un client américain lui devait environ 2 milliards de dollars. « Le montant pourrait cependant devoir être réévalué, a-t-elle prévenu, en fonction de dénouement des transactions et fluctuations de marchés ».

D’autres banques, dont Goldman Sachs et Deutsche Bank, ont été impliquées vendredi dans des ventes de gros blocs d’actions, selon des sources qui se sont confiées à Bloomberg, mais la banque américaine estime que ses pertes seront « négligeables », car elle a été parmi les premières à réduire son exposition d’après ces mêmes sources. Les positions de la banque allemande, elles, ne représentaient « qu’une fraction de celle d’autres banques ». La Deutsche Bank n’avait « subi aucune perte [à ce stade] et était en mesure de gérer sa position ». Ce qui n’empêche pas le titre de lâcher plus de 4% à Francfort à la mi-journée.

Le risque de contagion se répercute sur l’ensemble des valeurs bancaires, Société Générale et BNP Paribas cédant respectivement 1,8 et 1,7% à Paris à la mi-journée.

Le gros des ventes terminé ?

La question est désormais de savoir si le risque est contenu ou si d’autres déflagrations sont à attendre. Certains traders estiment que le schéma des « ventes de bloc » récentes, qui ont duré plusieurs jours mais ont atteint un pic vendredi, suggère que le gros des ventes est terminé. D’autres, au contraire, pensent que l’ampleur de l’effet de levier qu’Archegos semble avoir utilisé signifie que des milliards de dollars de positions pourraient encore être vendus.

S’ils prévoient un sursaut de la volatilité dans un contexte de valorisations toujours tendues, les experts excluent néanmoins à ce stade l’hypothèse d’une vaste contagion. « Les banques centrales ont tellement besoin de la stabilité financière pour atteindre leurs objectifs que je ne pense pas que cela puisse dégénérer en crise systémique », a ainsi expliqué à Reuters Alexandre Baradez, responsable des analyses marchés chez IG France.

À noter qu’Archegos est un « family office » qui gère ses propres fonds, notamment composés de la fortune de Bill Hwang – ancien « Tiger cub » – littéralement « petits tigres », du nom des très nombreux anciens gérants du légendaire fonds spéculatif Tiger Management de Julian Robertson qui ont fondé leur propre « hedge fund », parmi lesquels on peut citer Ole Andreas Halvorsen, Stephen Mandel, Chase Coleman ou encore le Français Philippe Laffont, tous milliardaires.

Quentin Soubranne – ©2021 BFM Bourse

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